Article de Médialibre à lire, relire et diffuser largement:
FN: avis de tempête pour la Marine
Le moins que l’on puisse dire est que le soufflé mariniste n’aura pas tardé à retomber. Le temps des sondages flatteurs, des zélés courtisans et des médias enamourés s’éloigne à grands pas, alors même que la campagne présidentielle n’est pas encore lancée.
Que s’est-il donc passé, en ces quelques mois, pour que l’euphorie se mue doucement mais surement en angoisse ? Dès la fin du Congrès qui avait vu l’intronisation en fanfare médiatique de la candidate du système, les premières fausses notes avaient mis à mal les sensibles oreilles de bien des patriotes. Le discours grandiloquent de la candidate putative à la présidentielle de 2012 avait pris à rebrousse poil la base militante –majoritairement lepeno-gollnischienne- qui avait fait le déplacement. L’héritière avait en effet tenu un discours ultra-républicain et droitdelhommiste, négligeant les fondamentaux de la culture frontiste ou, disons, de la droite nationale. Cela n’avait pas échappé aux observateurs médiatiques qui pour certains, tels Marianne, s’en étaient inquiétés. Un des ténors du Parti Socialiste, rompu aux stratégies politiciennes, avait exliqué dans l’hebdomadaire que cette faute tactique, qui avait refroidi beaucoup de militants, était à mettre sur le compte d’une absence de sens politique, qui tranchait avec celui dont avait toujours fait preuve le pater familias, en cinquante ans de vie politique.
De fait, ce n’était pas la première fois que la tsarine faisait montre de cette faiblesse. On se souvient ainsi qu’elle avait un an auparavant, organisé une manifestation contre le travail clandestin, en s’en prenant aux restaurateurs et à leur Syndicat, la FNIH, cœur de cible historique du populisme français, et symbole s’il en est du terroir et de l’identité française. L’ombrageux gersois André Daguin, figure historique du mouvement des restaurateurs, n’en était pas revenu. Deux ans plus tôt, c’est encore elle qui se prononçait en faveur du travail du dimanche, heurtant de plein fouet tant l’électorat ouvrier que la mouvance catholique, arguant que, somme toute, il y avait plus d’intérêt à faire ses courses le dimanche qu’à se « partager un poulet à douze » ( ?). Plus loin encore, en 2003, elle expliquait aux dirigeants du FN médusés, Jean-Claude Martinez en tête, que le Front National devait abandonner la thématique de l’immigration…
Mais ces « petites » fausses notes ne résistaient pas à l’euphorie sondagière et médiatique. Tant que « Marine », pouvait se targuer de briser l’omerta des médias, puis de permettre au Front National de renouer avec le succès à la suite de la débâcle des législatives de 2007, on lui pardonnait tout, ou presque. Même le Président fondateur s’était fait à l’idée d’une transmission de flambeau à ses yeux prématurée, afin d’éviter un dépôt de bilan pour raisons financières.
Seulement voilà, passé l’effet de mode et la propagande successorale, le réel n’a pas manqué de faire son grand retour, ainsi que le prophétisait Médialibre dès l’élection de la nouvelle présidente. Les enquêtes d’opinion, qui donnaient à Marine Le Pen entre 20 et 23 % d’intentions de vote à la présidentielle, ne lui en accordent plus désormais qu’entre 13 et 17. Les prédictions d’Alain Soral, spécialiste –entre autres- du calendrier Maya, qui voyait Marine en ultime recours face à DSK et l’apocalypse, ont d’ores et déjà, pour reprendre une formule de Dieudonné, « comme un arrière goût de pisse ».
Aussi, ce qui passait à l’époque pour des erreurs de jeunesse commence à en inquiéter plus d’un au « Carré », le siège du mouvement, à commencer par Le Pen père et Bruno Gollnisch. D’autant que l’absence de sens politique précédemment évoquée, ne se manifeste plus seulement au plan des idées, mais également dans le domaine managérial.
Les pupurges à répétition d’abord, qui sont autant de gestes d’allégeance au pouvoir en place, et qui n’en finissent plus de créer des remous dans le mouvement. Dernière initiative de la « Présidente », l’exclusion d’Yvan Benedetti, bras droit de Bruno Gollnisch, accusé par des journalistes « antifas » de s’être déclaré « antisioniste et antisémite ». Même si la candidate a pris la peine de la limiter à deux ans, signe d’une certaine fébrilité, cette décision est en réalité désapprouvée par un nombre croissant de cadres, parfaitement conscients de la faiblesse structurelle du parti, en rien compensée par la sacro-sainte « dédiabolisation ».
Le déroulement de la commission de discipline qui précédait l’excommunication annoncée de Benedetti sur la base de racontars gauchistes, fût de ce point de vue édifiante. Composée de Walleyrand de Saint-Just trésorier, de Jean Marie Marie Le Pen, Bruno Gollnisch, d’Alain Jamet, vice président, de Steeve Briois, secrétaire général, de Marie-Christine Arnautu, Eric Domard, Bruno Subtil et enfin Jean François Jalkh, délégué général, elle fit clairement apparaître deux camps. D’un côté, Briois , Saint Just et Domard, -Tel Aviv moins les Russes – particulièrement arrogants et venimeux, pressés d’en finir avec l’hétérosexuel antisioniste. Saint Just s’en prenait même vivement à Bruno Gollnisch accusé, sans rire, d’être dans cette affaire juge et partie. De l’autre, Le Pen, Gollnisch, Jamet ou Subtil approuvant ouvertement la défense de Benedetti, qui a fait un procès en conformisme à l’actuelle direction, accusée de se soumettre sans preuve aux oukases gauchistes. Ambiance.
Par ailleurs, l’arrivée annoncée de Nicolas Crochet comme directeur de campagne de la candidate ne fait pas que des heureux. Outre qu’il est lui aussi, extérieur au parti dont il fut membre jusqu’en 1992, date à laquelle il occupait les fonctions de responsable FNJ dans le Nord, ce garçon réputé « bling bling », a pour lui d’avoir été à l’époque dans une relation… disons de grande proximité avec la Présidente du Parti. Il n’en fallait pas plus pour exaspérer Louis Aliot, vice-président du mouvement et compagnon de Marine Le Pen. « Louis », garçon sympathique et bon camarade, qui allie tant bien que mal l’impétuosité du rugbyman méridional à la patience reptilienne du sépharade, avait déjà bien des difficultés à supporter la montée en puissance du clan mégrétiste de Philippe Olivier et Nicolas Bay, et l’omniprésence de Bilde et Briois, alias Albin et Rénato pour les (anciens) militants. Il lui fallait de surcroît endurer les humiliations publiques et quotidiennes dont sa chère et tendre a le secret, tout particulièrement avec ses hommes. Cette trouvaille, typiquement marinienne, ne va certainement pas contribuer à détendre l’atmosphère.
Ces conflits humains ne contribuent pas peu à donner une impression de navigation à vue, au gré des exigences des uns et des autres, et de leur influence du moment. Un état de fait qui a pour conséquence de démotiver le FN non officiel, autrement dit celui des conseillers occultes, qui ont en commun de n’être d’accord sur rien ou presque. Certains d’entre eux et pas des moindres, prennent aujourd’hui officieusement leurs distances, convaincus que ce joyeux bordel ne mènera à rien de bon et que, selon l’expression de l’un d’entre eux, « elle ne tiendra pas la distance ».
Mais revenons sur le terrain des idées et du « sens politique » de Marine Le Pen que nous évoquions en début d’article. Celui fait de nouveau débat depuis que les sondages sont en baisse, et que la frénésie médiatique s’estompe. Au menu, deux pommes de discorde principales, l’une relative à l’euro et l’autre à la laïcité.
Si sur le fond, tous les dirigeants du parti sont d’accord pour redonner à la France, le moment venu, sa pleine souveraineté monétaire, beaucoup pensent que la position de Marine, consistant à demander la sortie immédiate de l’euro, est politiquement contre-productive. Car si sur le papier, la dénonciation de la dictature et du racket bancaire et monétaire sur la base d’arguments fordiens, a tout pour convaincre des militants nationalistes formés, il n’est guère recevable pour l’opinion publique en l’état actuel des choses. Si en effet une situation de crise grave peut amener le peuple a remettre en cause la légitimité d’un régime – et l’on songe avec nostalgie aux brouettes allemandes… – les situations « pré-révolutionnaires » créent l’effet inverse. L’inquiétude de la population la pousse au conservatisme et à la frilosité, espérant sauver ce qui peut l’être. Il existe dans l’opinion des strates, avec des degrés de conscience politique spécifiques, et la validité d’un raisonnement ne signifie pas qu’il soit audible par toutes. La prise de position de Jean-Marie le Pen, qui a expliqué dans son journal de bord que le FN ne souhaitait pas la sortie de l’euro mais qu’on s’y prépare au cas, probable, où il s’effondrerait, est de ce point de vue significative et rejoint d’ailleurs la position historique de Gollnisch et du FN sur la question. Le peuple n’est pas un miroir…
Les déclamations de Marine Le Pen sur la laïcité sont également loin de faire l’unanimité. Outre qu’elles sont en rupture avec les positions historiques de la droite nationale, elles ne semblent guère en phase avec l’opinion, si ce n’est avec celle du lobby qui n’existe pas, dont l’intégrisme laïcard a toujours été un instrument de combat contre le catholicisme, et l’est aujourd’hui également contre l’Islam. Non seulement les milieux populaires, en dehors des cercles « natios », se contrefichent de l’Islam en tant que tel, mais il est assez paradoxal pour un dirigeant « nationaliste », ou patriote, de mener une croisade « laïque » dans un pays rongé par le narcissisme et l’individualisme, champion du monde –n’est-ce pas Marine- de l’anti-dépresseur amaigrissant… La « république des individus » préconisée par Marine Le Pen n’est rien d’autre que la république actuelle, dont la Présidente du FN défend finalement la survie. Le Front National, qui a longtemps incarné –ou tenté de la faire- une alternative civilisationnelle à la décivilisation marchande, semble aujourd’hui proposer un nationalisme défenseur de cette déstructuration, au non de je ne sais trop quel droit à la décadence. Tel n’est ni la vocation d’une authentique organisation nationaliste, ni assurément l’attente réelle mais en partie inconsciente du peuple.
Si cette mutation profonde du mouvement a pu être acceptée en échange de lendemains électoraux qui chantent sur fond de graves difficultés financières, elle ne manquera pas d’être vivement contestée en cas de changement de contexte. Voilà pourquoi le rétablissement des finances du parti et la baisse dans les sondages de la patronne du mouvement raisonnent comme un avis de tempête. Marine Le Pen a déjà perdu près de sept points d’intentions de vote en moyenne. Qu’elle en perde encore cinq d’ici à novembre, qui lui verra tenir sa « convention présidentielle », et sa stratégie se trouvera frontalement contestée. D’aucuns dès lors ne manqueraient pas de se positionner en recours.
Si l’on ne peut encore évoquer un scénario à la Liepietz, qui avait vu les Verts écarter ce « rescapé de la SNCF » après l’avoir investi, on peut d’ores et déjà affirmer que les mois qui viennent ne seront pas un long fleuve tranquille pour la dame de Montretout.
Médialibre avait annoncé plusieurs semaines avant l’affaire DSK sa non-candidature à la présidentielle. Pour ce qui est de Marine Le Pen, nous en tenons à un pronostique de graves turbulences sur fond d’effondrement prévisible des intentions de vote. La rentrée s’annonce palpitante…