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29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 17:14

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Loi sur le génocide arménien censurée,

loi Gayssot sacralisée


Le 28 février le Conseil constitutionnel a censuré la loi punissant la contestation du génocide arménien en 1915, à l’origine d’une brouille entre Paris et Ankara. «Le Conseil a jugé qu’en réprimant la contestation de l’existence et de la qualification juridique de crimes qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication», selon le communiqué rendu public par les neuf “sages” du Palais-Royal. Début février, Nicolas Sarkozy avait déclaré en Conseil des ministres qu’il déposerait un nouveau texte en cas de censure constitutionnelle. Aussitôt informé, le chef de l’Etat a «pris acte de la décision» et «mesure l’immense déception et la profonde tristesse de tous ceux qui avaient accueilli avec reconnaissance et espoir l’adoption de cette loi destinée à les protéger contre le négationnisme», indique un communiqué de la présidence qui ajoute que l’Elyséen«a chargé le gouvernement de préparer un nouveau texte, prenant en compte la décision du Conseil constitutionnel».


Son principal concurrent François Hollande est sur la même longueur d’ondes: il s’est engagé à reprendre ce dossier «dans l’apaisement, dans la conciliation et en même temps, dans la volonté d’aboutir», preuve encore une fois qu’entre le candidat du Parti socialiste et celui de l’UMP la soumission aux lobbies est la même. «Je veux dire ici toute ma solidarité aux Arméniens de France parce que je sais ce qu’ils attendaient. Je veux dire aussi aux Turcs de France qui s’étaient mobilisés qu’ils avaient finalement tort d’imaginer que c’était contre eux» a aussi déclaré l’ex-concubin de Ségolène Royal. François Bayrou a pour sa part affirmé que «la relance de cette procédure par Nicolas Sarkozy traduit aujourd’hui une obstination dont on comprend bien l’inspiration en période électorale mais qu’un chef d’Etat dans sa responsabilité ne devrait pas encourager». Le vice-Premier ministre turc Bülent Arinç s’est logiquement réjoui sur son compte Twitter de cette «décision juste, éloignée des considérations politiques» et qui «a évité une probable grave crise entre la France et la Turquie». 

 

Valérie Boyer, députée UMP de Marseille, où vit une forte communauté arménienne, avait porté la loi à l’Assemblée nationale et elle a fait part de sa tristesse face à la décision du Conseil constitutionnel qui crée «une inégalité de traitement, une discrimination parce que la France a reconnu deux génocides: la Shoah et le génocide de 1915». Constatant que «les victimes de la Shoah sont protégées des actes de négationnisme, alors que les victimes et les descendants de victimes de 1915 ne le sont pas», elle juge «cette discrimination intolérable». Sur ce point elle n’a pas tort. Que l’ultra-chiraquien Jean-Louis Debré qui préside le Conseil constitutionnel et qui n’a jamais celé son mépris pour l’ex-maire de Neuilly ait voulu gêner Nicolas Sarkozy en pleine campagne présidentielle n’est pas à exclure mais la décision de la rue de Montpensier remet forcément sur le tapis la question de la constitutionnalité de la loi Fabius-Rocard-Gayssot. Le Conseil en est d’ailleurs conscient puisqu’il aborde en partie la question à la fin de son communiqué de presse. L’institution estime qu’elle «n’avait pas à connaître de la loi du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe qui ne réprime pas la contestation de crimes “reconnus par la loi”.» 


Cette dernière phrase signifie que la loi Gayssot n’est pas rigoureusement identique à la loi punissant la contestation du génocide arménien car la loi du 13 juillet 1990 ne réprime pas la contestation de crimes «reconnus par la loi», à proprement parler, mais de crimes reconnus par des tribunaux, en l’occurrence le tribunal militaire international de Nuremberg (qui soit dit en passant n’avait aucune espèce de légalité puisqu’il s’agissait d’un tribunal créé par les vainqueurs pour juger les vaincus). Une argutie juridique qui pourrait permettre au Conseil constitutionnel de ne pas censurer la loi Gayssot si elle était portée un jour à son appréciation souveraine. D’autant que dans leur communiqué les neuf “sages” précisent qu’il est loisible au législateur de restreindre la liberté d’expression, à condition que les atteintes portées à cette liberté soient «nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi.» Or la lutte contre le racisme et l’antisémitisme n’est-elle pas un objectif suffisamment noble et sérieux qui justifie une atteinte à la liberté de recherche et d’expression? Voilà ce que pourrait répondre le Conseil si on lui transmettait une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant la loi Gayssot. Cependant, s’il agissait ainsi, il montrerait de manière spectaculaire qu’il existe deux catégories de citoyens, les juifs surprotégés et les autres, de seconde zone. Ce qui susciterait certainement des réactions indignées.

 

Plus que jamais il nous paraît  donc nécessaire de tout tenter pour que le Conseil constitutionnel soit saisi d’une QPC concernant la loi Gayssot. Dans le procès qui nous est intenté sur l’occupation allemande en France, nous avions essayé une première fois auprès de la Cour de cassation, notre demande avait été rejetée, les magistrats refusant de transmettre la question à la rue de Montpensier. Puisque nous formons un nouveau pourvoi, nous avons la possibilité de remettre l’ouvrage sur le métier et la décision du Conseil constitutionnel consolide notre position. Espérons que la Cour de cassation ne se dérobera pas une nouvelle fois car, l’expérience nous l’a montré à maintes reprises, le courage n’est certainement pas la première qualité des magistrats.

 

 

jeromebourbon@yahoo.fr

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