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18 juillet 2012 3 18 /07 /juillet /2012 18:31

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Pour une vraie entente franco-allemande

 

 

Ni De Gaulle ni Adenauer n’étaient des grands hommes, mais ils ont fait une grande chose le huit juillet 1962 à Reims, la réconciliation franco-allemande. Les erreurs accumulées de beaucoup de grands hommes l’avaient rendue nécessaire. 

Le premier fut Charlemagne. Sur la fin des grandes invasions, les rois des Francs saliens, acclimatés en Gaule, avaient élu celle-ci pour leur royaume, et s’étaient acculturés à elle en même temps : ils avaient pris femmes sur place et leur noblesse s’était alliée à la noblesse gallo-romaine, leurs capitales étaient Chelles, Compiègne, leurs lieux sacrés Saint- Denis ou Saint-Martin. Leurs évêques et leurs vassaux étaient en Gaule, Bretagne comprise. La séparation du règne entre Neustrie Austrasie, que les partages d’héritages avait causée, ne remettait pas cela en cause. Las, Charlemagne, dans son désir de conquête, transféra sa capitale à Aachen, utilisa un parler germanique et s’étendit à l’est. Cela devait être le début de l’Allemagne et de l’effort civilisateur qu’on nomma Drang nach Osten, mais cela soustrait au royaume franc, Frankreich, une bonne part de la rive gauche du Rhin et les régions du sud de l’Allemagne actuelle qui étaient depuis longtemps soumises à l’influence romaine et pour une bonne part peuplées de Celtes. Cela devait causer une ambiguïté et une instabilité fondamentales entre ce qui devait devenir l’Allemagne et la France, que les Serments de Strasbourg illustrèrent en 842 sans les résoudre. Cette ambiguïté et cette instabilité privaient la Gaule d’une frontière naturelle et d’une part d’elle-même qui lui revenait ethniquement et culturellement, mais que l’invasion germanique fit changer de langue. Durant le Moyen Âge, le bon sens des Capétiens et des Empereurs électifs permit de maintenir un équilibre. C’est d’Angleterre que vint la menace, pas seulement à cause d’imbroglios dynastiques, mais aussi à cause de la géographie et de la race : une thalassocratie naissante où les Saxons allaient dominer ne pouvait concilier ses intérêts avec ceux de la France. 

 

Les choses devaient se gâter à la Réforme. Luther fit exploser la Chrétienté avec son Los von Rom. La réaction de Charles Quint fut catastrophique : impuissant à sauver la catholicité et l’unité allemande, il nourrit l’illusion d’un empire inviable tout en laissant les réformés monter en puissance. L’Europe était dynamitée, avec une monarchie anglicane désormais inexpugnable en Grande-Bretagne et une série de césaro- papes protestants dans le nord ouest du continent. Louis XIII et Louis XIV tentèrent, et réussirent en partie, grâce aux splendides traités de Westphalie, de rétablir l’équilibre, mais le mal était désormais induré. Il suffit de l’inadvertance de la régence et de Louis XV pour laisser grandir la Prusse, la fille d’un désordre et d’une erreur, la réforme mise au service de la puissance, l’autorité mondaine sans autorité intellectuelle ni morale. Malgré la clairvoyance de Louis XVI, peu après, les folies d’un Napoléon allaient bouleverser l’Europe, favoriser la Prusse et affaiblir définitivement la France. Puis le parti des lumières applaudit la catastrophe de Sadowa. Napoléon III jeta la France dans la guerre après avoir renforcé ses ennemis et la perdit. Un dernier grand homme allait préparer la catastrophe finale, Bismarck, aidé d’un criminel, Gambetta, qui refusa d’accepter les pertes limitées d’une campagne mal entendue, et lançant le pays dans une lutte à outrance, en recueillit les fruits : écrasement complet, amputation de l’Alsace-Lorraine, pertes humaines et financières énormes, guerre civile de la Commune. Avec cela, la France écopa en prime de la république, qui devait la diviser avant de la saigner dans les deux guerres mondiales. Le Reich wilhelminien portait désormais en lui le germe des gigantomachies à venir, d’autant que l’Angleterre, qui souhaitait la guerre pour conserver l’empire du monde, allait trouver dans la république obsédée de revanche une supplétive qui ne compterait pas le sang des Français. Guillaume II vit bien le danger que faisait courir au monde l’impérialisme des thalassocraties anglo saxonnes, et rêva d’une alliance continentale entre l’Allemagne, la Russie et la France, mais ne sut pas faire les concessions propres à la constituer, notamment la révision du statut de l’Alsace-Lorraine. Il n’était d’ailleurs pas le seul aveugle. Le préjugé de la langue, qui a donné naissance au pangermanisme, infectait l’université allemande depuis longtemps. En avril 1904, l’entente cordiale était signée entre la Couronne britannique et la république française : l’Europe était morte. La suite est connue : Grande Guerre, échec de la paix séparée en 1917, désastreux traité de Versailles, gestion encore plus désastreuse dudit traité, folies briandistes, soutien à une république de Weimar bien pire que le Reich Wilhelminien, front commun de tous les Allemands contre Versailles, Hitler, Seconde Guerre mondiale.

 

Quand Adenauer et DeGaulle se sont donnés la main le huit juillet 1962, l’Allemagne était amputée des territoires que l’histoire lui avait conquis à l’Est, et coupée en deux ; quant à la France, elle s’était amputée elle-même de son empire. Le condominium américano-soviétique s’efforçait de tenir les deux pays en lisière. De Gaulle tenta d’échapper à cette emprise mortelle et de construire une Europe viable, à peu près celle de Charlemagne, en gardant la main politique à l’ouest. Cela signifiait : rejet de la candidature anglaise, primat du nucléaire civil et militaire, compromis de Luxembourg, qui permettait au vieil État capétien de refuser toute décision qui mettait en danger les intérêts supérieurs de la nation. Cette petite Europe mit fin aux guerres, rétablit la prospérité et visa la puissance.

    

Aujourd’hui l’Euroland n’a ni consistance, ni grandeur, ni puissance, ni identité culturelle, ethnique ou religieuse, mais elle n’en impose pas moins de contraintes aux nations qui la composent, contraintes normatives, sociétales et maintenant budgétaires : François Hollande vient de signer avec Angela Merkel des accords qui nous lient sur la voie du fédéralisme et nous mettent à la remorque de l’Allemagne. Ce n’est plus la nécessaire collaboration franco-allemande, c’est la sujétion du paralytique ruiné à l’aveugle démographiquement et moralement mort depuis 1945. Celui qui aimerait vraiment les Francs de l’Ouest et les Francs de l’Est libérerait l’Allemagne du dogme de la Shoah et viderait la France de ses immigrés, développerait son nucléaire et son armée pour lui faire à nouveau aimer la puissance. La véritable « amitié » franco allemande ne peut être qu’un équilibre assorti d’estime réciproque et d’intérêts communs.

 

Les relations franco-allemandes furent compliquées durant la dernière guerre. Je n’aurais peut-être pas été collaborateur, pour la raison que la paix n’était pas signée et que le nazisme me déplaît par certains aspects, mais je comprends qu’on l’ait été, et je hais les mensonges que l’on continue à colporter à ce sujet. J’essaie aussi de comprendre, à l’inverse, la résistance allemande à Hitler, en particulier les conjurés qui ont trempé dans l’attentat du 20juillet, dont on célèbre le soixante-huitième anniversaire. Il est difficile de déterminer qui a comploté exactement, à quel moment et pourquoi. Bien que rassemblés dans les geôles d’Himmler, tous les conspirateurs n’avaient ni les mêmes convictions ni les mêmes intentions. Ils apparaissaient dans la nébuleuse anti-hitlérienne au gré des circonstances. C’étaient presque tous des intermittents de la résistance. Aucun n’a refusé pendant onze ans une promotion ni une décoration. 

  

Parmi les comploteurs exécutés, on compte un feld-maréchal, 19 généraux, 26 colonels, deux ambassadeurs, sept diplomates, un ministre, trois secrétaires d’État et le chef de la police criminelle. L’armée allemande fut la grande opposante à Hitler. Une bonne partie des soldats politiques qui avaient fait les corps francs passa au NSDAP, notamment à la SA, puis la SS tenta d’imposer son propre ordre militaire : comment des officiers formés par Von Seeckt, se regardant comme le pilier de l’État et la garantie de l’Allemagne auraient-ils pu voir cela d’un bon œil ? N’oublions pas non plus que les Junkers et leurs cousins diplomates qui conspirèrent contre Hitler appartenaient pour la plupart à la vieille aristocratie et supportaient mal les manières plébéiennes des nazis. On était né dans les mêmes villes, on avait joué dans les mêmes châteaux, on avait les mêmes tantes et l’on avait été amoureux des mêmes cousines. Le complot du vingt juillet fut un peu, mutatis mutandis, celui des chaussures à bateau et des chèches. 

Ils complotèrent d’abord par esprit de corps. Certains actes les avaient agacés : la nuit des longs couteaux, l’élimination de Schleicher, les affaires Blomberg et Fritsch ; le côté joueur du chancelier leur parut dangereux, lors de la remilitarisation de la rive gauche du Rhin, lors de la libération des Sudètes ou de l’Anschluss. Ils complotèrent ensuite, après les premiers revers de la Wehrmacht, pour conserver à l’Allemagne sa puissance.

Ces conjurés n’avaient en revanche ni unité ni vision politique. A côté de chrétiens d’extrême droite comme Stauffenberg, de conservateurs plus ou moins modérés, Beck et Goerdeler, de grands seigneurs libéraux, on trouve une aile gauche. Y figurent notamment Theodor Heubach, membre du SPD, Adolf Reichwein, économiste, et surtout Julius Leber. Alsacien de naissance, engagé volontaire dans l’armée impériale, devenu après la guerre député SPD de Lübeck, il combattit le putsch de Kapp, tua un nazi dans une rixe, fut dénoncé par un communiste, interné de 33 à 37 en prison puis au camp de Sachsenhausen, et entra dans l’opposition à sa libération. Il avait accepté le poste de ministre de l’Intérieur en cas de réussite du putsch.

Cet aréopage disparate a laissé des textes où transparaissent ses intentions. Il voulait d’abord un gouvernement de transition. Il a préparé une constitution en tenant compte des expériences de l’empire wilhelminien, de la république de Weimar et du troisième Reich. Elle était marquée par un pouvoir exécutif fort et très peu de goût pour le Parlement. Certains proposaient même un parti unique, et l’on reçut une contribution de Manoilescu, de la garde de fer roumaine. En matière économique et sociale, on cherchait une troisième voie entre capitalisme et collectivisme. 

Enfin et surtout, il s’agissait pour les conjurés d’obtenir l’arrêt immédiat de la guerre, la plupart souhaitant une paix séparée négociée avec l’Ouest pour défendre les frontières de l’Est, et revenir aux frontières de 1914. À gauche comme à droite, le corridor de Dantzig, la Tchécoslovaquie etc.… paraissaient de dangereuses hérésies. Quelques diplomates suggéraient les frontières de 1937, mais on les regardait d’un œil mauvais. Même Leber insistait pour que le Reich conservât l’Alsace-Lorraine ! C’est la démesure expansionniste d’Hitler et ses méthodes, non ses premières conquêtes, que l’on condamnait. C’est pourquoi les Anglo-saxons ne donnèrent pas suite aux avances de la résistance : elles n’étaient pas plus conformes à leurs buts de guerre qu’à ceux du chancelier. Quant à une paix séparée, il n’en était plus question depuis la conférence de Casablanca (1943), qui subordonnait l’arrêt des hostilités à une capitulation générale sans condition : politiquement, la mort d’Hitler n’aurait servi à rien.

 

Albrecht Haushofer, le fils du géopoliticien Karl Haushofer qui avait largement influencé les dirigeants nazis à l’origine, a exprimé le sentiment de « culpabilité » qui animait tous ces hommes, dans les sonnets qu’il écrivit dans sa prison en attendant d’être exécuté. Malgré une mère juive, il était entré au cabinet de Ribbentrop, avait assisté en cette qualité à la signature des accords de Munich, avant d’adhérer tardivement à la conjuration. Il se sentait coupable de ne pas avoir parlé et agi plus tôt.

Henning Von Tresckow, général brillantissime, gendre de Falkenheyn, préconisait la mort du « derviche tourneur » chef d’un « régime de fous et d’assassins » en disant : « Si Dieu a épargné Sodome s’il y trouvait dix justes, peut-être épargnera-t-il l’Allemagne en mémoire de nous. » Il a donc agi par souci moral et religieux, mais il en a marqué la limite en souhaitant la victoire des Russes sur l’armée allemande. Il regrettait que Staline n’ait pas, pour la hâter, un stratège tel que lui à sa disposition. C’est là que la notion de « plus grand criminel » avoue sa faiblesse. Les conjurés voyaient les crimes allemands, non les crimes soviétiques. Que Treskow ait été dégoûté par certaines méthodes, c’est son affaire et peut-être son honneur : cela ne fait pas un jugement politique droit ni un bilan de l’histoire. Là aussi, il faut libérer l’Allemagne de ses complexes.

 

Hannibal.

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commentaires

Q
<br /> Aujourd'hui je suis TRES TRES HEUREUX, j'ai trouvé un numéro de RIVAROL datant du 2 mars 1961 chez mes grands-parents, le N° 529 perdu au fond d'un placard sombre depuis des lustres. Comme ils<br /> étaient d'Algérie Française et Pied-Noir, c'est donc un journal qu'ils ont rapporté dans leur exode en Métropole. TOUT UN SYMBOLE !<br /> <br /> <br /> Quand je pense que moi aussi leur petit fils aujourd'hui je suis lecteur de ce journal RIVAROL qui analyse toujours l'actualité avec autant de lucidité avec des plumes formidables<br />
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